Alors que les médias stigmatisent l"anarchie" à propos du déferlement de la violence à Londres et en Angleterre, la "Solidarity Federation" du Nord-Londres a considéré qu’une réponse de la part d’une organisation anarchiste active dans la capitale était nécessaire.
Les émeutes ont causé des dégâts importants ces derniers jours à des quartiers de Londres, à des devantures de magasins, à des domiciles et des voitures. À gauche, on entend toujours les mêmes gémir que la pauvreté en est la cause. À droite, que des voyous et éléments anti-sociaux profitent de la tragédie. Les deux sont vraies. Les pillages et émeutes vus ces derniers jours constituent un phénomène complexe et comportent de nombreuses composantes.
Ce n’est pas par hasard si les émeutes se produisent maintenant, quand les réseaux de soutien aux britanniques privés de représentation leurs sont arrachés, et que les gens sont livrés à l’abîme, comme ils tombent rompus sous les matraques de la police londonienne.
La fureur des quartiers [1] est ce qu’elle est, laide et incontrôlée. Mais pas imprévisible. La Grande- Bretagne a caché ses problèmes sociaux pendant des décennies, les a contenus avec une garnison brutale d’hommes armés. Grandir dans les cités signifie souvent ne jamais les quitter, à part à l’arrière d’une fourgon de police. Dans les années quatre-vingt, les mêmes problèmes ont conduits à Toxteth [2]. Dans les années quatre-vingt-dix, ils ont conduit aux émeutes contre l’impôt par capitation [3]. Et maintenant nous les subissons de nouveau - parce que les problèmes non seulement persistent, mais empirent.
Le harcèlement et la brutalité de la Police font partie du quotidien des cités partout au Royaume-Uni. Les systèmes sociaux permettant à peine de survivre se sont désagrégés et ont été retirés. À Hackney [4], les travailleurs sociaux opérant dans la rue, qui venaient eux-même des cités, connaissaient les jeunes et pouvaient travailler avec eux à résoudre leurs problèmes, se sont vus signifier qu’ils ne seraient désormais plus payés. Les loyers augmentent et les emplois aidés par l’État qui apportaient de l’argent dans la zone ont été réduits au nom d’un transfert vers des missions bénévoles dans le cadre de la "Grande Société" [5]. Les gens qui eurent toujours très peu n’ont désormais plus rien. Plus rien à perdre.
Le rôle-même des médias dans tout ceci ne doit pas être minoré. Malgré tout le discours de la "protestation pacifique" qui précéda les évènements à Tottenham [6], les media n’auraient pas sorti l’histoire s’il n’y avait eu en tout et pour tout qu’une manifestation silencieuse devant le poste de police.
Les violences policières et les protestations en réponse surviennent tout le temps. C’est seulement quand l’autre côté répond avec violence (sur des cibles légitimes ou non) que les médias ressentent le besoin de leur donner une couverture à tout prix.
Il ne devrait donc pas y avoir de surprise à ce que des gens vivant une existence de pauvreté et de violence soient enfin partis en guerre. Il ne devrait pas y avoir de surprise à ce que des gens pillent les écrans de télé à plasma qui fourniront leurs paieront deux mois de loyer, et laissent les livres qu’ils ne peuvent vendre sur les étagères. Pour beaucoup, c’est l’unique forme de redistribution économique qu’ils verront dans les années à venir en continuant une vaine recherche d’emploi.
On a beaucoup glosé sur le fait que les émeutiers attaquaient "leurs propres communautés". Mais les émeutes n’éclatent pas dans un vide social. Celles des années 80 tendaient à être dirigées d’une manière plus ciblées ; épargnant les innocents et se focalisant sur des cibles plus représentatives d’une oppression de classe ou de race : la police, les postes de police et les magasins. Que s’est-il passé depuis les années quatre-vingt ? Les gouvernements consécutifs n’ont pas ménagés leurs efforts pour détruire toute espèce d’idée de solidarité et d’identité de classe. Est-ce donc une surprise alors si ces émeutiers se retournent contre d’autres membres de notre classe ?
La "Solidarity Federation" est basée sur la résistance dans la lutte sur le lieu de travail. Nous ne sommes pas impliqués dans le pillage mais, au contraire des réactionnaires de droite ou même des commentateurs de gauche sur le registre de la "compréhension-mais-condamnation", nous ne condamnerons ni ne fermerons les yeux sur ceux que nous ne connaissons pas pour avoir récupéré une part de la richesse dont ils ont été privés toute leur vie.
Cependant, en tant que révolutionnaires, nous ne pouvons tolérer les attaques contre les travailleurs, contre les innocents. Les incendies de magasins avec des domiciles au-dessus, de véhicules utilisés par les gens pour aller au travail, les agressions et tout ce qui s’en approche constituent une attaque contre les nôtres et nous devons nous y opposer aussi fermement qu’à n’importe quelle politique d’austérité du Gouvernement, qu’aux propriétaires terriens qui spéculent, qu’aux patrons ayant l’intention de voler notre travail. Ce soir et pour aussi longtemps que nécessaire, les gens doivent se rassembler pour se défendre quand une telle violence menace les foyers et les communautés.
Nous pensons que la colère légitime des émeutiers peut être bien plus puissante si elle s’exprime dans une direction collective et démocratique et cherche, non à faire d’autres travailleurs des victimes, mais à créer un monde libre de l’exploitation et de l’inégalité inhérentes au capitalisme.
North London Solidarity Federation
(mardi 9 août 2011)
Traduit par le SIA32 / CNT-AIT
Les émeutes ont causé des dégâts importants ces derniers jours à des quartiers de Londres, à des devantures de magasins, à des domiciles et des voitures. À gauche, on entend toujours les mêmes gémir que la pauvreté en est la cause. À droite, que des voyous et éléments anti-sociaux profitent de la tragédie. Les deux sont vraies. Les pillages et émeutes vus ces derniers jours constituent un phénomène complexe et comportent de nombreuses composantes.
Ce n’est pas par hasard si les émeutes se produisent maintenant, quand les réseaux de soutien aux britanniques privés de représentation leurs sont arrachés, et que les gens sont livrés à l’abîme, comme ils tombent rompus sous les matraques de la police londonienne.
La fureur des quartiers [1] est ce qu’elle est, laide et incontrôlée. Mais pas imprévisible. La Grande- Bretagne a caché ses problèmes sociaux pendant des décennies, les a contenus avec une garnison brutale d’hommes armés. Grandir dans les cités signifie souvent ne jamais les quitter, à part à l’arrière d’une fourgon de police. Dans les années quatre-vingt, les mêmes problèmes ont conduits à Toxteth [2]. Dans les années quatre-vingt-dix, ils ont conduit aux émeutes contre l’impôt par capitation [3]. Et maintenant nous les subissons de nouveau - parce que les problèmes non seulement persistent, mais empirent.
Le harcèlement et la brutalité de la Police font partie du quotidien des cités partout au Royaume-Uni. Les systèmes sociaux permettant à peine de survivre se sont désagrégés et ont été retirés. À Hackney [4], les travailleurs sociaux opérant dans la rue, qui venaient eux-même des cités, connaissaient les jeunes et pouvaient travailler avec eux à résoudre leurs problèmes, se sont vus signifier qu’ils ne seraient désormais plus payés. Les loyers augmentent et les emplois aidés par l’État qui apportaient de l’argent dans la zone ont été réduits au nom d’un transfert vers des missions bénévoles dans le cadre de la "Grande Société" [5]. Les gens qui eurent toujours très peu n’ont désormais plus rien. Plus rien à perdre.
Le rôle-même des médias dans tout ceci ne doit pas être minoré. Malgré tout le discours de la "protestation pacifique" qui précéda les évènements à Tottenham [6], les media n’auraient pas sorti l’histoire s’il n’y avait eu en tout et pour tout qu’une manifestation silencieuse devant le poste de police.
Les violences policières et les protestations en réponse surviennent tout le temps. C’est seulement quand l’autre côté répond avec violence (sur des cibles légitimes ou non) que les médias ressentent le besoin de leur donner une couverture à tout prix.
Il ne devrait donc pas y avoir de surprise à ce que des gens vivant une existence de pauvreté et de violence soient enfin partis en guerre. Il ne devrait pas y avoir de surprise à ce que des gens pillent les écrans de télé à plasma qui fourniront leurs paieront deux mois de loyer, et laissent les livres qu’ils ne peuvent vendre sur les étagères. Pour beaucoup, c’est l’unique forme de redistribution économique qu’ils verront dans les années à venir en continuant une vaine recherche d’emploi.
On a beaucoup glosé sur le fait que les émeutiers attaquaient "leurs propres communautés". Mais les émeutes n’éclatent pas dans un vide social. Celles des années 80 tendaient à être dirigées d’une manière plus ciblées ; épargnant les innocents et se focalisant sur des cibles plus représentatives d’une oppression de classe ou de race : la police, les postes de police et les magasins. Que s’est-il passé depuis les années quatre-vingt ? Les gouvernements consécutifs n’ont pas ménagés leurs efforts pour détruire toute espèce d’idée de solidarité et d’identité de classe. Est-ce donc une surprise alors si ces émeutiers se retournent contre d’autres membres de notre classe ?
La "Solidarity Federation" est basée sur la résistance dans la lutte sur le lieu de travail. Nous ne sommes pas impliqués dans le pillage mais, au contraire des réactionnaires de droite ou même des commentateurs de gauche sur le registre de la "compréhension-mais-condamnation", nous ne condamnerons ni ne fermerons les yeux sur ceux que nous ne connaissons pas pour avoir récupéré une part de la richesse dont ils ont été privés toute leur vie.
Cependant, en tant que révolutionnaires, nous ne pouvons tolérer les attaques contre les travailleurs, contre les innocents. Les incendies de magasins avec des domiciles au-dessus, de véhicules utilisés par les gens pour aller au travail, les agressions et tout ce qui s’en approche constituent une attaque contre les nôtres et nous devons nous y opposer aussi fermement qu’à n’importe quelle politique d’austérité du Gouvernement, qu’aux propriétaires terriens qui spéculent, qu’aux patrons ayant l’intention de voler notre travail. Ce soir et pour aussi longtemps que nécessaire, les gens doivent se rassembler pour se défendre quand une telle violence menace les foyers et les communautés.
Nous pensons que la colère légitime des émeutiers peut être bien plus puissante si elle s’exprime dans une direction collective et démocratique et cherche, non à faire d’autres travailleurs des victimes, mais à créer un monde libre de l’exploitation et de l’inégalité inhérentes au capitalisme.
North London Solidarity Federation
(mardi 9 août 2011)
Traduit par le SIA32 / CNT-AIT
Notes
[1] Ndt : Nous avons traduit "estates" indiféremment par "quartiers" ou "cités", car ces lieux sont des quartiers-nord du Grand Londres composés de cités et de lotissements.[2] Ndt : Toxteth est un quartier du centre de Liverpool ayant connu des émeutes en juin 1981, initialement provoquées par l’arrestation sans raison d’un jeune noir, Leroy Cooper, fouille observée par la foule qui ne laissa pas faire, avec pour bilan la destruction de 70 édifices, 500 arrestations et 470 blessés.
[3] Ndt : la "Poll Tax" est un impôt forfaitaire par foyer ne tenant compte, ni des revenus, ni du capital, créé par M. Thatcher en 1989 et appliqué en 1990. Cette application d’une taxe très injuste pour les plus faibles provoqua des émeutes à Hackney le 8 mars, à Brixton, Lambeth et Islington puis à Trafalgar Square en plein centre de Londres le 31 mars 1990, ce qui provoqua la chute de la "Dame de fer".
[4] Hackney est un district au nord du Grand Londres, extrêmement pauvre, au chômage élevé, ayant connu des émeutes dans les années quatre-vingt et la consommation de crack parmi les jeunes dans les années quatre-vingt-dix.
[5] Ndt : Traduction du projet de la "Big Society" proposé défendu par les conservateurs de David Cameron depuis juillet 2010 et prônant un désengagement de l’État au profit d’une société plus "mature" et engagée, basée sur la charité, le mutuellisme et le volontariat, ce que ses adversaires ont qualifié de déguisement cynique de l’abandon de l’assistance grâce au discours sur une vigueur nouvelle de la société civile.
[6] Tottenham est un quartier pauvre du district de Haringey, au nord du Grand Londres, sur la rive gauche de la Tamise, et le lieu d’émeutes ce mois-ci.
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